2 Commentaires

L’utilisateur d’une fausse information issue du net est-il vraiment coupable ?

2018 : Le règne de la fakenews et du complotisme est à son paroxysme. Donner une fausse information pour argumenter est simple mais la remettre en cause est compliquée. Et ceci, d’autant plus qu’elle est fausse mais validée par le net. Pour la remettre en cause, il faut que celui qui l’a émise accepte la vraie comme étant LA vraie ! Mais qui nous dit que la vraie est la vraie…C’est un complot ou quoi ?

Si nous poussons plus loin l’analyse, pour le fabricateur de fakenews, c’est peine perdue. En effet il ou elle a un intérêt (politique, social ou économique) dans la fabrication de fausses nouvelles. De tous temps, des personnes ont voulu manipuler les cours de monnaie ou de matières premières en divulguant de fausses informations.  Un bateau qu’on disait coulé et hop les prix montaient. Sans parler de la littérature qui est remplie de romans où l’on annonce la mort d’un roi qui s’avère être vivant au dernier chapitre. Pour l’utilisateur de fakenews, l’analyse est plus délicate. Etait-il au courant que l’info était fausse ou bien s’en était-il servi ne le sachant pas ?

Je vois tout de suite ce que vous allez me dire, que : « Tout dépend du contexte » ! Certes, c’est vrai, tout dépend du contexte et du but de l’utilisation de cette fausse information. Des caractéristiques sociales de l’utilisateur ainsi que du lieu de découverte de cette dernière. Du coup, la question est : comment l’utilisateur d’une fausse information en est-il arrivé à utiliser cette fausse information ?

On dira ce qu’on voudra, mais aujourd’hui celui qui veut se faire une opinion sur tel ou tel sujet peut se la construire comme il le veut. En effet, il existe une multitude de sources qui peuvent aider les individus à s’en construire une… et même plusieurs. Avec le développement d’internet et des outils de communication modernes, nous n’avons plus besoin d’aller chercher des informations dans les livres, les bibliothèques, ou chez les penseurs du bistrot d’en bas. C’est notre PC ou plus souvent notre smartphone qui devient le bistrot d’en bas !

Avant, dans l’ancien temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, seules certaines personnes détenaient les savoirs. Et, elles étaient reconnues comme seules les détenant. D’où la fameuse figure du « maître », du « savant » (ou encore de l’expert…) sorte de phare éclairant un ciel obscurci par l’ignorance. Les savoirs n’étaient pas simples d’accès et il fallait avoir les capacités de les assimiler à petites doses.  Cela prenait du temps et pouvait s’avérer infructueux. Ce n’est pas parce que l’on cherchait une information qu’on la trouvait.

Aujourd’hui, grâce à internet, l’information peut-être partout quand on en a besoin. C’est génial, palpitant et extraordinaire ! Demandez à n’importe qui ayant vécu l’avant et vivant maintenant l’après, il vous dira que c’est quand même mieux de pouvoir avoir une référence rapidement sans avoir à sortir de chez soi. Faire, des visites fastidieuses à la bibliothèque, devoir chercher une référence, voir que le livre n’est pas disponible, devoir aller dans une autre bibliothèque, la re-chercher…. C’est fini ! Même si cela entretenait un certain lien social, ce n’était pas si plaisant que ça ! Maintenant, grâce à internet, les informations sont plus disponibles et c’est tant mieux.

Mais alors si l’information est davantage libre et disponible grâce à internet quel est le problème ? Théoriquement, il n’y en a aucun. Le savoir, davantage disponible, permet à la population d’une part d’accroître ses connaissances pour mieux vivre ensemble et, d’autre part d’accroître son capital humain pour mieux produire ensemble. C’est beau, c’est magnifique : on se croirait dans le scénario initial de Star Trek !

Le problème, ce n’est donc pas le stock d’informations disponibles. C’est plutôt, le traitement de cette dernière. Car une information d’avant ou une information de maintenant c’est peu ou prou la même chose. C’est une donnée qui reste à traiter. Et, soit cette donnée est simple à traiter et tout va bien, elle peut l’être par n’importe quel utilisateur directement. Soit elle est complexe et alors il faut passer par l’intermédiaire d’un décodeur.

Sur internet, le décodeur s’appelle le prescripteur (ou influenceur si vous avez moins de 30 ans et une chaîne YouTube de high tech !). Il est considéré comme un expert et son rôle est de transmettre l’information, de l’expliquer et/ou de la vulgariser. Il y a cependant deux principaux problèmes ici c’est premièrement qu’un bon prescripteur reste difficile à trouver. Et qu’ensuite, le fonctionnement des outils utilisés par les internautes pour accéder à des informations sur le net n’est pas neutre.

Alors premièrement, internet c’est grand et donc non seulement le bon prescripteur est difficile à trouver mais, comme internet est libre, tout le monde peut devenir prescripteur. N’en suis-je pas un moi-même ! La validation de la prescription se faisant aux nombres de vues/likes/partages et autre following, même un mauvais prescripteur peut devenir très écouté. Il n’y a qu’à voir l’ensemble des sites disséminant des fakenews pour le comprendre. La recherche du bon prescripteur peut parfois s’avérer être autant chronophage que la recherche et le traitement d’une information brute. Etre prescripteur ou influenceur est non seulement une occupation mais ça peut être également un métier. Et, c’est le nombre de vues générées par les prescriptions qui feront vivre le prescripteur. Elles lui assureront des revenus issus de la publicité. Les plateformes de diffusion vivant elles aussi de la publicité. Elle mettra donc en avant les contenus générant le plus de vues et/ou ceux des prescripteurs ayant un partenariat de diffusion avec elles. Comme ce que l’on regarde le plus, c’est ce qui est le plus visible. Et que pour vivre, il faut être vu. Cela peut poser un vrai problème de contenu.

Ensuite, techniquement parlant, pour avoir accès à quelque chose sur internet, il faut avoir des outils. Et, ces outils peuvent eux aussi poser un problème de fonctionnement. En effet, certains diront qu’Internet c’est avant tout la liberté… Moi, je dirais qu’Internet, c’est avant tout un business model. Produire quelque chose sur le net ou ailleurs coûte. Et, d’une manière ou d’une autre, celui qui voudra de cette chose devra payer. Soit il paiera directement en sortant sa carte bleue, soit il paiera grâce à la publicité. Du coup, qui sera prêt à payer; et à payer pour avoir quoi? Le type d’informations recherchées compte également. Plus l’internaute recherchera une info précise et plus il aura tendance à aller sur un site spécialisé. Au contraire de celui qui voudra une information rapide et qui pourra aller sur n’importe quel réseau social où, là encore, il trouvera de tout ! Les sites spécialisés étant la plupart du temps payants. La segmentation de l’information par capacité contributive fonctionne à plein !

Si vous avez les capacités de payer alors, l’information à laquelle vous aurez accès sera une information sourcée et traitée par de vrais spécialistes. Si vous ne les avez pas ou si vous ne voulez pas contribuer, vous accepterez de payer « grâce à » la publicité. La publicité fonctionnant au nombre de vues, elle ne privilégie donc pas la meilleure information mais l’information la plus vue… qui de fait devient la plus visible et, in fine, la meilleure car la plus vue et la plus présente dans la société ! C’est le serpent qui se mord la queue.

L’âge est aussi un facteur important du choix du type d’accès à l’information. Loin de penser que plus on est jeune moins on veut s’informer. La relation serait plutôt : plus on est jeune plus on a besoin d’informations simples à digérer et demandant le moins de temps de concentration pour la comprendre. Les réseaux sociaux comme Twitter et YouTube sont des outils remplissant parfaitement ces objectifs. Un contenu simple à lire ou de moins de 3 minutes de visionnage étant idéal. Seul problème là encore, le degré de traitement de l’information et donc la qualité du prescripteur. Car en effet, une fois que la « bonne info » sera trouvée, l’individu pourra commencer à se forger une réflexion. Il pourra même se l’approprier et se la faire sienne directement en fonction de la force de la croyance en le « prescripteur-fournisseur » et en fonction des autres critères précédemment cités. C’est comme ça qu’un avis se forme : c’est magique !

Au final, l’utilisateur de fausses informations trouvées sur la toile est plus ou moins fautif d’un manque de jugement mais tout est relatif. En effet, sous l’effet du clique, le cheminement intellectuel de la recherche à tendance à être flouté voire perdu. C’est un peu comme quand on regarde des vidéos sur YouTube, on clique, on clique, on clique et, à partir d’un moment, on ne sait plus comment on en est arrivé là ! Est-ce bon ou est-ce mauvais ? Ce n’est pas comme ça que doit se poser la question. L’information est à la disposition de tous. Le tout étant de savoir ce que l’on en fait après. Soit on la réfute, soit on l’accepte ou soit l’on sait rester critique. Mais, encore faut-il savoir et pouvoir le faire…

2 commentaires sur “L’utilisateur d’une fausse information issue du net est-il vraiment coupable ?

  1. Simple, efficace, didactique ! La comparaison avec l’univers de Star Trek est brillante, un seul défaut à votre article : on en veut plus !
    Votre admirateur secret

    J’aime

Répondre à Un élève inoubliable Annuler la réponse.